A LA RECHERCHE DE LA GAUCHE PERDU
Le lendemain des élections européennes le NPA découvre que « Cette Europe est illégitime » (hebdomadaire Tout est à nous).
Si cette Europe es illégitime (ce qui est une évidence), pourquoi le NPA a contribué- a contresens des majorités populaires- a la légitimer en participant au scrutin au lieu de dénoncer le piége tendu par le pouvoir en place?
Sans sémouvoir du piètre résultat, 890.000 voix, le 5% des votants, cest `s dire le 2% de lélectorat potentiel, les « analystes » du NPA affirment que cest un « score encourageant ».
Pire encore, ils font semblant dignorer, quand il parlent dun meilleur score dans les quartiers populaires que dans ces quartiers la participation au vote a été de lordre du 30 % . Ce qui fait pour un « bon » score du 7% le 2,1% de lélectorat potentiel des quartiers populaires.
Autrement dit, en pleine crise parsemée de conflits sociaux, (le moment dillumination dont parlait Gramsci, propice au développement de la conscience de classe) les classes populaires nont pas entendu le discours revendicatif du NPA et lui ont tourné le dos.
Il semble évident que il faudrait se poser très sérieusement des questions et ne pas rester dans lautosatisfaction, même modérée, au vu des résultats.
Au lieu douvrir franchement le débat dans les pages de Tout est à nous, publication que requiert un effort considérable, dans le numéro du 11 juin les deux pages centrales sont gaspillées avec une grande carte de la France pour essayer de montrer quaprès tout, pour le NPA le résultat électoral na pas été aussi mal que ça.
Il ne sagit pas non plus de prendre la calculette pour savoir quel pourcentage donne laddition des voix dune gauche totalement hétérogène et déboussolée.
Dans ce même numéro de Tout est à nous (en fait rien nest à nous, il faut encore briser les chaînes et tout conquérir) larticle sur lIran et son illustration m´ont particulièrement agacé, mettant en question la politique nucléaire de ce pays (comme le font les grandes puissances) et avec un démocratisme très européen. Comme la Maison Blanche et lUnion Européenne, le NPA est « très préoccupé » pour la démocratie en Iran. Il faut reconnaître que 80% de participation et 62% des voix pour Ahmadinejad laisse peu de marge aux donneurs de leçons « démocratiques ». Le NPA semble ignorer que lIran est un rempart contre limpérialisme et son laquais Israël en Proche Orient.
Donc, il faut se poser pas mal de questions.
Pourquoi les classes populaires, malgré la crise, nont pas entendu le discours de le NPA (et de lainsi nommé « gauche de la gauche ». en général)?
Lappellation « gauche de la gauche » na pas de sens parce que à la droite de celle-ci il ny a pas de gauche : le PS est idéologiquement et sociologiquement conservateur et de toutes façons dans le système il ny a plus de place pour le social réformisme. Lalternative est le socialisme ou la barbarie.
Le PC continue sa lente agonie malgré sa légère reprise (merci Melenchon), depuis que Mitterrand la piégé dans lUnion de la Gauche et la rendu (apparemment à jamais) assujetti au PS.
Est-ce que le programme de le NPA est un véritable programme de dépassement du capitalisme dans une perspective socialiste ou est un cumul hétérogène de revendications (en général justes) résultat dune compromission idéologique ambiguë quon qualifie décosocialisme ?
Les problèmes environnementaux sont, dans lessentiel, le fait du capitalisme, productiviste et promoteur du consumérisme, pas par volonté délibérée de nuisance des maîtres du pouvoir sinon parce que la reproduction élargie est une condition sine qua non de survie du capitalisme. La solution nest pas de renoncer au progrès technologique et scientifique et de retourner à la vie pastorale mais de supprimer le capitalisme et de mettre léconomie au service des véritables besoins matériels et spirituels de lhumanité et de sa réalisation en tant quêtres humains.
Lécologisme est un véritable pot-pourri idéologique dans lequel trouvent leur place des gens honnêtes et plutôt de gauche et des gens comme Cohn- Bendit, un libéral sans scrupules et sans principes. La réussite dEurope Ecologie, on peut lattribuer à la désinvolture médiatique de son meneur Cohn-Bendit et à la dégringolade du PS et du Modem. En tout cas cest une preuve de plus de la profonde crise de la pensée politique qui frappe la France.
Sur ces bases programmatiques et idéologiques tellement faibles le NPA risque de rester une sorte de « supersyndicat », qui raconte et fait linventaire des dégâts quotidiens du système et essaye de promouvoir les luttes revendicatives. Mais qui est incapable, à partir de ces revendications spécifiques, de comprendre et dexpliquer la nature du capitalisme et de l´ exploitation capitaliste (dont les victimes ne sont pas seulement les travailleurs manuels mais aussi les travailleurs intellectuels), et que la suppression du capitalisme est une nécessité quil faut mettre à lordre du jour. Et de faire cela dans un échange permanent et dialectique avec les classes populaires. Il ne suffit pas, par exemple, de dire que les « riches doivent payer les crises » mais il faut dire quil faut supprimer les crises de lunique manière possible : en supprimant le capitalisme.
Malgré ses efforts, le NPA narrive même pas à développer larticulation solidaire des luttes entre différentes entreprises en conflit et à développer la solidarité de lensemble de la classe ouvrière avec ces luttes.
Face à la virtuelle paralysie et démission des directions syndicales qui programment des marches à répétition chaque fois plus désertées, le NPA propose de transposer en France les expériences vécues dans un contexte totalement différente (Guadeloupe, Martinique : faisons comme eux !) et narrive pas a proposer des formes originales et plus percutantes de protestation sociale adaptées à la réalité française.
Il faut donc faire une étude approfondie de la réalité économique, sociologique, politique et culturelle de la société française, c'est-à-dire bien connaître la réalité quon prétend transformer et tenir compte du fait que, bien quil y ait objectivement des classes antagonistes il y a une idéologie et une culture hégémoniques, individualiste et du chacun pour soi, celle des classes dominantes, qui oriente la pensée pas seulement des possédants mais aussi de la grande majorité des salariés.
Pour surmonter cet état de choses il nest pas suffisant dexpliquer et expliquer encore mas il est nécessaire que les classes populaires participent pleinement et fassent leur propre expérience du système, dans la pratique et pourvus des instruments conceptuels dinterprétation des faits pour arriver a comprendre le système dans son intégralité.
Par exemple, quand les travailleurs séquestrent les patrons, est-ce une démonstration de radicalisation ou au contraire la preuve de ce quils ressentent le besoin de compter, de gré ou par force,sur les patrons ?
Quand une entreprise risque de fermer ou de délocaliser, ne serait-ce pas une expérience positive, non de séquestrer les patrons mais de les mettre à la porte et de continuer à travailler de façon autogestionnaire ? Ce nest pas la solution (il ny pas de solution dans le cadre du capitalisme) mais cest une expérience dans le bon sens.
Giscard DEstaing la bien compris quand il était terrifié par lidée de que lexpérience autogestionnaire de Lipp puisse se propager.
Quand je parle dinstruments conceptuels je pense à ceux qui montrent tous les jours leur indiscutable efficacité et pertinence : lanalyse marxiste de la société capitaliste et la méthode employée pour cette analyse.
Pour sapproprier cette analyse et cette méthode il faut beaucoup étudier, remuer sans cesse les méninges, sinterroger et se mettre en question tout le temps et être toujours attentif à la réalité des faits et à létat desprit des classes exploitées. Et bien entendu, refuser systématiquement toute autosatisfaction.
Alejandro Teitelbaum
NPA Carcassonne